Michel Barnier, Premier ministre en mission

Jeudi 5 septembre, un court communiqué de la Présidence de la République a mis un terme à deux mois d’une situation inédite en France. Nommé nouveau Premier ministre, le Savoyard Michel Barnier succède à Gabriel Attal avec la mission de « constituer un gouvernement de rassemblement au service du pays et des Français ». 

© Service photographique de Matignon / Alexandra Lebon

Ouvert au mois de juin, avec la dissolution de l’Assemblée nationale et l’organisation d’élections législatives anticipées, le long feuilleton d’une France sans gouvernement de plein droit a pris fin le 5 septembre avec la nomination de Michel Barnier. Le choix du Président de la République ouvre une nouvelle séquence de la vie démocratique, mais ne règle pas tous les problèmes. Loin de là !
L’Assemblée nationale demeure toujours aussi fracturée et il est inimaginable de penser que le gouvernement du nouveau Premier ministre obtiendra le soutien d’une majorité claire et disciplinée. Michel Barnier et ses futurs ministres évolueront en terrain miné, sous la menace quasi-quotidienne d’une motion de censure.
Pour autant, malgré les déclarations assassines sur son âge (73 ans), son profil politique, ses positions passées et les menaces de censure, il y a fort à parier que Michel Barnier aura un peu de temps devant lui. Les partis sortent éreintés de ce long épisode et les Français sont lassés de la situation qui a bloqué le pays, alors que les défis sont immenses et que la parenthèse enchantée des Jeux olympiques et paralympiques vient de se refermer. Les Français souhaitent du concret, sans attendre la prochaine présidentielle.

« Le sectarisme est une preuve de faiblesse »

Fin stratège, fort d’une expérience hors norme de l’engagement public, Michel Barnier a fait passer de nombreux messages dès sa première prise de parole. Alors que le public présent dans la cour de l’Hôtel Matignon pour la passation des pouvoirs était tout acquis à Gabriel Attal, le nouveau Premier ministre a fait mine d’improviser une partie de sa déclaration en commentant les propos de son prédécesseur. Au-delà des sourires de circonstance, il s’agissait déjà de marquer sa différence, voire son indépendance. 
« J’ai compris qu’il y avait des tas de projets de loi en suspend, qui n’avaient pas pu être menés à bien. Bien sûr, je vais les reprendre. Il y en a plusieurs auxquels je tiens d’ailleurs. Mais vous me permettrez d’apporter ma propre valeur ajoutée ». 
Gabriel Attal ayant remercié sa famille, en particulier sa mère, pour son soutien, Michel Barnier a osé, à son tour, l’évocation familiale. « Une maman, c’est très important. Nous allons peut-être dire des choses surprenantes pour deux Premiers ministres lors d’une passation de pouvoir, mais j’ai eu la chance d’avoir, aussi, une mère formidable, qui transformait tous les problèmes qu’elle rencontrait dans sa vie personnelle en cause publique. C’est ainsi qu’elle a consacré toute sa vie à un sujet qui fait l’objet d’un projet de loi : la sécurité routière. Je n’ai pas oublié ses combats. […]Je n’ai pas oublié non plus ce qu’elle m’a dit lors de ma toute première réunion électorale. Elle était une femme chrétienne de gauche. Elle m’a dit : “Tu as les opinions que tu veux – j’étais déjà gaulliste –, ne soit jamais sectaire. Le sectarisme est une preuve de faiblesse. Quand on est sectaire, c’est que l’on n’est pas sûr de ses idées”. 

« Une forme olympique »

La suite du propos de presque douze minutes était écrite. L’occasion de s’adresser aux Français plus qu’aux parlementaires. « J’aborde cette période avec beaucoup d’humilité […] mais aussi avec une forme olympique puisque j’ai consacré dix ans de ma vie à organiser des Jeux olympiques avec Jean-Claude Killy […] et de la détermination. » 
La référence aux Jeux olympiques a fait mouche dans les Alpes, le nouveau gouvernement devant engager, au plus tôt, la caution financière de l’État pour valider définitivement la candidature française pour l’organisation des Jeux olympiques d’hiver en 2030. Il n’a pas oublié les « 40 000 volontaires, souriants, efficaces, disponibles, qui ont donné une tellement belle image de la France à ces millions de gens qui sont venus nous trouver ».
S’il a pris garde de ne pas froisser Emmanuel Macron, à qui il doit sa nomination, Michel Barnier a su faire le pas de côté que beaucoup attendaient, sur la méthode.
« Il y aura dans cette nouvelle page, des changements et des ruptures. Il faudra beaucoup d’écoute, beaucoup de respect, entre le gouvernement et le Parlement, à l’égard de toutes, je dis bien toutes, les forces politiques qui y sont représentées. Du respect aussi vis-à-vis des partenaires sociaux, des partenaires économiques et vis-à-vis des élus locaux, qui font partie de ce tissu républicain qui est à notre honneur et à leur honneur sur le terrain. »
Ignorés alors que la France « d’en bas » traversait les crises (Gilets jaunes, pandémie…) ou devant appliquer des réformes imposées d’en-haut, les maires et les représentants de la société civile ont apprécié la remarque.  
En faisant réference à ses mandats locaux passés, le nouveau Premier ministre, s’est écarté un peu plus encore du profil hors sol de son prédécesseur, Gabriel Attal : « Je n’ai jamais oublié ce que j’ai appris sur le terrain, dans mon département de la Savoie. Nous devons, et nous allons davantage agir que parler pour trouver partout les solutions qui marchent et le gouvernement n’aura pas la prétention de croire que la science infuse vient seulement de lui. J’ai appris dans ma longue vie publique que les bonnes idées venaient de partout, souvent des gens les plus modestes ou les plus simples, quand on prend le soin de les écouter ».
Reste maintenant à trouver l’équipe gouvernementale qui mettra en musique cette ambitieuse partition. 

© Service photographique de Matignon