En Savoie, la prime aux sortants !

Dimanche 30 juin 2024, un peu avant 23 heures, la carte du premier tour des élections législatives était figée en Savoie. Comme annoncé, dans le département et partout en France, les électeurs se sont mobilisés pour ce scrutin à la dramaturgie inédite. Plus de 7 électeurs sur 10 ont rempli leur devoir civique, du jamais vu depuis quatre décennies. Cette participation a des airs de présidentielle (78,68 % en 2022). Le président de la République appréciera ! Mais pour Emmanuel Macron, c’est une bien modeste satisfaction. Son pari de dissoudre l’Assemblée nationale n’a pas fonctionné. Le Rassemblement national a confirmé sa percée des Européennes. Pour autant, au moins en Savoie, le second tour s’annonce particulièrement incertain pour les candidats de Marine Le Pen. Ils pointent en seconde position dans trois des quatre circonscriptions, où les députés sortants ont résisté. La situation de Marina Ferrari est plus inconfortable. La députée sortante, actuelle secrétaire d’État, est en ballottage défavorable. L’étiquette « Majorité présidentielle » a été lourde à porter.


Bis repetita ! En 2024 comme en 2017, Typhanie Degois a créé la surprise en faisant campagne pour un poste de députée à l’Assemblée nationale. La plus jeune députée macroniste de 2017 (24 ans à l’époque) n’avait pas brigué un nouveau mandat en 2022. Son retour, sous les couleurs hybrides « Les Républicains tendance Ciotti – Rassemblement national » a eu l’effet d’une bombe. Cible de nombreuses attaques, venues de la majorité présidentielle, de la droite républicaine et de la gauche, Typhanie Degois a mené une campagne discrète. Mais le souvenir assez positif de son premier mandat et la tendance électorale favorable au Rassemblement national depuis les Européennes lui permettent de pointer en tête au soir du premier tour.

Pour autant, Marina Ferrari ne s’avoue pas vaincue et est loin d’être disqualifiée. Son retard est infime (611 voix sur 94 116 inscrits) et elle bénéficie du retrait de Christel Granata (Nouveau Front Populaire), au nom du « barrage républicain » anti-RN. La députée sortante, actuelle secrétaire d’État chargée du Numérique, arrive en tête à Aix-les-Bains et dans les communes proches, mais son adversaire atteint des sommets dans l’Avant-pays et dans les communes rurales (59,95 % à Champagneux, 56 % à La Balme, 50,42 % aux Échelles…). En 2017, cette dualité des votes au sein de la circonscription avait été favorable à Typhanie Degois face à Dominique Dord, mais cette fois elle a quitté le champ républicain…


Le député sortant de la 2e circonscription de Savoie, Vincent Rolland, apprécie la métaphore sportive. Arrivé en tête au premier tour, face à la candidate du Rassemblement national, le toujours moniteur de ski aborde la deuxième manche du slalom électoral avec prudence. Les 831 voix d’avance de Vincent Rolland sur Pauline Ract-Brancaz ne sont rien au regard des 75 626 électeurs inscrits. Le sujet est d’autant plus sensible que la circonscription est clairement scindée en deux. La plaine et les villes ont porté Pauline Ract-Brancaz en tête (49,42 % à La Bathie, 53,87 % à Monthion, 56,58 % à Rognaix, 50,56 % à Tour-en-Savoie…) tandis que les stations restent sur la trajectoire Vincent Rolland (50,13 % aux Belleville, 53,13 % à Notre-Dame-de-Bellecombe, 56,11 % à Pralognan…).
Arrivée en 3e position Pascale Martinot (Nouveau Front Populaire) a annoncé son désistement au nom du « barrage républicain » anti-RN. En l’absence de candidat portant les couleurs de la Majorité présidentielle sur cette circonscription, ce choix peut desservir le député sortant. Les électeurs de gauche pourraient être tentés de l’assimiler au camp macroniste et choisir un vote de rejet ou blanc, voire l’abstention à un moment où toutes les voix auront leur importance.


Elles ont grandi dans l’ambiance du commerce familial de leurs parents en Maurienne. Voici le seul point commun que partagent les deux candidates arrivées en tête du premier tour des élections législatives dans la 3e circonscription de la Savoie. Émilie Bonnivard (44 ans), députée sortante, et Marie Dauchy (37 ans), tête de pont du Rassemblement national dans le secteur, s’affrontent pour la 3e fois depuis 2017 pour un siège à l’Assemblée nationale. À chaque fois, l’élue Les Républicains est arrivée en tête au premier tour et a confirmé au second. À chaque fois les campagnes ont été ponctuées d’échanges sans concession, par média ou réseaux sociaux interposés. Cette campagne éclair n’a pas dérogé à la règle. Et si Émilie Bonnivard passe une nouvelle fois en tête au premier tour, Marie Dauchy se hisse cette fois au second. Une première pour elle et pour le parti fondé par Jean-Marie Le Pen.
En l’absence de candidat de la majorité présidentielle, la candidate du Rassemblement national a tenté d’identifier la députée sortante au camp macroniste. En vain semble-t-il. De son côté, Émilie Bonnivard a dénoncé l’absence de Marie Dauchy sur le terrain et sa posture d’élue relayant les idées venues d’en haut. Le message est passé dans les stations d’altitude, où la députée sortante est comme chez elle. En plaine, en revanche, les idées du RN ont beaucoup progressé depuis 2022. Les électeurs auront à trancher entre deux styles et deux engagements très différents.


Arrivée en troisième position au premier tour de l’élection législative de la 4e circonscription de Savoie, Anaïs Gomero a affronté une sacrée tempête intellectuelle dimanche soir. Qualifiée pour le second tour, derrière le député LFI sortant Jean-François Coulomme et le candidat du RN Brice Bernard, la candidate de la majorité présidentielle est longtemps restée muette sur la question d’un éventuel désistement. Et pour cause ! Élu en 2022, Jean-François Coulomme a endossé son rôle de député trublion de La France Insoumise avec sérieux et dévouement, à l’Assemblée nationale comme en circonscription. Ce positionnement assumé a mis à rude épreuve les nerfs de ses interlocuteurs institutionnels, sans parler de la classe politique locale…
Les prises de position du parti de Jean-Luc Mélenchon, sur l’invasion russe en Ukraine puis sur le conflit en Palestine, ont semé le doute jusque dans les rangs de la gauche républicaine au moment de lancer la bannière commune « Nouveau Front Populaire ».
Comme leur candidate, qui a finalement choisi de se désister, les électeurs restés fidèles au camp Macron (27,72 % des voix dimanche) auront du mal à choisir le « bon » bulletin le 7 juillet.