Élu depuis 1983 dans sa commune natale, Roland Lombard en est devenu le maire en 2001. Il s’attache à bâtir une vraie place du village et à maîtriser la croissance. Entrevue parue dans le magazine Mairies des pays de Savoie n°272 – Juillet 2024.
Quel est votre parcours ?
Je suis issu d’une famille modeste installée à Hauteville-sur-Fier depuis le début du XXe siècle. Après une formation en mécanique, j’ai commencé à travailler chez Auchan au Grand Epagny, en 1983, à l’ouverture du magasin. Entré comme simple employé, j’ai eu la chance de pouvoir évoluer, in situ, et de finir ma carrière comme cadre responsable logistique à la tête d’une équipe d’une trentaine de personnes.
Comment vous êtes-vous impliqué dans la vie communale ?
Après mon retour de l’armée, je me suis engagé, avec de nombreux jeunes de la commune, en tant que sapeur-pompier volontaire dans le centre communal. Nous n’avions pas de local, pas de matériel et pas de véhicule d’intervention, mais l’esprit d’entraide et l’altruisme étaient bel et bien là. Après quelques années, le chef de centre a été atteint par la limite d’âge. J’ai levé le doigt et malgré mon jeune âge j’ai eu la chance que mes collègues me fassent confiance. J’ai accompagné l’évolution du centre qui s’est doté de matériel puis départementalisé. Ce parcours au sein des pompiers m’a montré l’importance de l’engagement au service des autres. Ensuite, j’ai eu une expérience d’une dizaine d’années au comité des fêtes dont j’assurais la vice-présidence.
Et dans la vie municipale ?
Dans ma famille, il n’y avait jamais eu d’élu. Depuis, j’ai fait quelques émules, et notamment mon frère qui est devenu maire de la commune de Beaunay en Champagne. Ma vie municipale a commencé lors de mes activités avec les pompiers dans les années 1980. Suite à un repas où j’étais intervenu de manière assez ferme, Paul Cartier, le maire en place, m’a remarqué et m’a proposé, lors des élections municipales de 1983, d’intégrer son équipe. J’ai eu la chance d’être élu, contrairement à la majorité de la liste dans laquelle je figurais. J’étais un peu le porte-drapeau de l’ancienne équipe, mais l’amalgame s’est vite fait entre les deux listes. J’ai effectué deux mandats de conseiller en 1989 et en 1995, tout en étant pas mal occupé par ailleurs par ma vie professionnelle et familiale. Avec mon épouse, que je remercie vivement de son soutien sans faille dans mes différents engagements, nous avons eu deux enfants. Et j’aidais régulièrement mon père à la ferme familiale. En 2001, Christian Georges, le maire sortant, n’a pas souhaité repartir. Avec un petit groupe très soudé de camarades de jeunesse, nous avons décidé de nous présenter.
Que s’est-il passé ?
L’équipe que je conduisais a été élue, ce qui m’a valu de devenir maire sans passer par la case adjoint. Le mandat a été très actif. Nous avons investi dans l’entretien des bâtiments publics, la construction d’un réseau d’assainissement collectif et la mise en place du premier PLU avec un règlement et un zonage précis. Nous avons essuyé des réactions assez vives de la part de propriétaires fonciers touchés par les restrictions mais aussi d’habitants arrivés dans les années 2000 qui ne voulaient plus que cela bouge ! Un quotidien régional avait ainsi titré, en une, « Hauteville-sur-Fier = Sarcelle-sur-Fier ». Les conflits du PLU ont laminé l’équipe. En 2008, nous n’étions que deux sortants à vouloir repartir. Je suis allé voir certains des opposants au PLU en leur proposant de venir travailler avec moi. Challenge qu’ils ont accepté. J’ai été élu maire puis réélu en 2014 et 2021, avec à chaque fois quelques points de plus.
« Faire en sorte qu’Hauteville-sur-Fier devienne une commune où l’on s’arrête »
Qu’est-ce que vous aimez dans le mandat de maire ?
Je suis intimement convaincu que la richesse provient des autres. Je suis profondément attaché à la ruralité et au caractère paysan de ma commune, à mes racines sur lesquelles un bel arbre doit pousser. Quand j’étais enfant, nous avions du givre sur la vitre intérieure de la chambre en hiver. Même si la vie autrefois avait de bons côtés, bien peu de gens accepteraient de telles conditions aujourd’hui. Pour évoluer, la commune a besoin de logements, de commerces, de services… ce sont ces projets qui me motivent.
Ce que vous aimez moins ?
L’immobilisme, les dossiers qui piétinent. J’ai parfois du mal à comprendre les habitants qui arrivent de la ville et sont habitués à un certain niveau de services. Les nids de poule, les aboiements, les disputes de voisinages peuvent parfois m’exaspérer, mais ils appartiennent au quotidien. S’en plaindre ne fait pas avancer les choses.
Quels sont les projets ?
L’ambition de l’équipe actuelle est de faire en sorte qu’Hauteville-sur-Fier devienne une commune où l’on s’arrête et non plus seulement où l’on passe. Notre situation entre l’Albanais, la Chautagne et le nord d’Annecy induit beaucoup de passages avec environ 4 500 véhicules/ jour. Nous avons réussi à réinstaller des commerces et services (coiffure, boulangerie, cabinet infirmier…) et travaillons sur la revitalisation du centre village. Après 30 années de tractations, nous avons pu acheter par l’intermédiaire de l’EPF 74 une propriété, en face de la mairie, que nous allons démolir pour réaliser des logements, des services et surtout une vraie place du village. Officialisé le 21 décembre 2022, le rachat a été suivi, en 2023, par le choix d’un opérateur, S-Prim, dont le projet se base sur une étude réalisée par le CAUE74. Nous aimerions aussi mettre en valeur le château féodal que nous avons racheté à proximité de la mairie ainsi que les berges du Fier. Tous ces éléments constituent de beaux atouts pour aménager un cœur de village agréable et attractif.
Quels sont les autres projets ?
La sécurisation des cheminements constitue un fil rouge avec des travaux très réguliers. Notre école datant des années 1990 doit aussi être remise à niveau et agrandie. Elle va bénéficier d’un plan d’investissement de 3,5 millions d’euros déployé sur cinq à dix ans avec une extension pour créer trois nouvelles classes, puis la rénovation de la cantine, du périscolaire et des salles de classe. Nous travaillons depuis deux ans avec les élèves, leurs parents, les enseignants, les Atsem sur ce projet pour lequel nous sommes aussi accompagnés par le CAUE74. Conçue par le cabinet Tectoniques Architectes, notre extension nous donnera en particulier l’espace nécessaire pour accueillir la 7e classe que nous allons ouvrir à la rentrée 2024-2025. Elle représente une immense satisfaction, mais je regrette de ne pas avoir réussi à travailler avec les communes voisines de Vaulx et Etercy qui investissent dans le même type d’équipement. Une salle d’évolution pour les trois communes aurait largement suffi, d’autant que la communauté de communes prend en charge les déplacements des élèves dans le cadre d’un regroupement pédagogique intercommunal. Au niveau de l’assainissement, nous devrions d’ailleurs parvenir à travailler à l’échelle de ce mini-bassin dont le rayon est de l’ordre de 8 kilomètres.
Que pensez-vous de la loi ZAN ?
Je la soutiens car je suis convaincu qu’il faut préserver de manière drastique les espaces agricoles, quitte à densifier les zones d’habitation. Notre commune rurale a réussi à limiter le mitage et compte encore trois fermes qui ont le mérite de façonner nos paysages et d’incarner notre culture paysanne. Le plan local d’urbanisme intercommunal a maintenu cette philosophie et sanctuarise nos grandes plaines agricoles.
Quel regard portez-vous sur l’intercommunalité ?
Au départ de Christian Georges, j’ai pris son relais aussi à la vice-présidence des transports à la communauté de communes et je continue. La commune joue son rôle dans l’animation du territoire par sa proximité avec les habitants mais l’intercommunalité avec ses fonctions supra-communales est incontournable. Je suis membre du conseil d’orientation d’Intercommunalités de France. Garder les yeux et les oreilles ouverts fait réfléchir. J’ai par exemple rencontré un élu qui n’a pas enregistré une seule demande de permis de construire depuis plus de dix ans. En Haute-Savoie, nous sommes en surchauffe et nous devons veiller à ce que la croissance reste tenable. Mais les chiffres sont têtus et incontournables : il me faut au moins cinq permis de construire par an pour faire face à l’évolution des charges dues à l’inflation.
Vous êtes aussi député suppléant de Véronique Riotton…
En 2017, elle m’a proposé d’être son suppléant aux législatives et nous sommes repartis, en 2022, dans cette aventure parlementaire où je la représente et je l’accompagne au fil de l’eau. Ce rôle me permet d’avoir une lecture différente des événements et donne de la consistance à l’action. Je le trouve très complémentaire de la commune et communauté de communes, car les niveaux de connaissance et d’interaction sont différents.
Comment voyez-vous l’avenir ?
Assez favorablement car nous avons globalement su préserver nos grands espaces. Et la révision du PLUI, que nous sommes en train de mener, va encore aller dans ce sens. À nous de travailler pour préserver ce territoire sur lequel nous avons la chance inouïe de vivre. Quant à la commune, elle a connu dans les cinq dernières années une évolution que nous devons digérer pour adapter les équipements et intégrer les nouveaux habitants. Qu’ils deviennent conso-acteurs…
Située dans l’Albanais, Hauteville-sur-Fier s’étend sur 4,9 km², avec une altitude oscillant entre 320 et 524 mètre. La commune compte 1 034 habitants et dispose d’un budget de 1,1 M€ en fonctionnement, 1,4 M€ en investissement.