Entrevue – Jacques Arnoux, maire de Val Cenis

Jacques Arnoux a été élu maire de son village natal de Lanslebourg en 2014. En 2017, il a été élu à la tête de la commune nouvelle  de Val-Cenis dont il est un ardent défenseur.


Jacques Arnoux, maire de Val Cenis.
©Mairies Val Cenis

Quel est votre parcours ?
Je suis originaire de Lanslebourg, comme trois de mes quatre grands-parents. Au milieu des années 1960, mon père est allé travailler chez Dassault à Annecy, mais nous revenions régulièrement avec mes parents. Après mon BTS, j’ai fait mon armée à Bessans, dans la section d’éclaireur de montagne du 13e BCA. Comme j’avais déjà obtenu la première partie des diplômes nécessaires pour enseigner le ski, j’ai été nommé « pion » au lycée de Chamonix où j’ai rencontré mon épouse. Puis j’ai trouvé un emploi au plateau d’Assy dans un établissement médico-social de rééducation. J’ai vécu et travaillé durant 40 ans dans la vallée de Chamonix où j’ai même effectué un mandat d’adjoint au maire, à Servoz. Après avoir repris des études universitaires à Lyon, où j’ai obtenu une maîtrise de gestion d’établissements sanitaires et médico-sociaux, j’ai terminé ma carrière comme directeur général de l’AISP. Dédiée à l’insertion socio-professionnelle d’adultes en situation de handicap, cette association dont le siège est basé à Annecy-le-Vieux est issue de la fusion de trois structures haut-savoyardes.

Comment vous êtes-vous engagé dans la vie municipale de Val-Cenis ?
Je n’ai jamais perdu le contact avec les habitants et avec la commune où je venais, entre autres, enseigner le ski durant une partie des vacances l’hiver. En 2014, le maire Jean-Pierre Jorcin m’a appelé pour me dire qu’il ne se représentait pas. Il avait mobilisé sept ou huit personnes mais aucune ne souhaitait prendre la tête de liste, et certains lui avaient suggéré de me contacter. J’ai été élu en 2014 et j’ai continué de travailler jusqu’à la fin de l’année où j’ai pris ma retraite. Au 1er janvier 2017, j’ai été élu maire de la commune nouvelle de Val-Cenis et réélu en 2020.

Comment est née cette commune nouvelle ?
Dès mon élection en 2014, j’ai commencé à discuter avec Paul Chevallier, mon homologue de Lanslevillard, d’une fusion de nos deux collectivités qui ne font qu’une en termes d’urbanisation. Nous étions convaincus que nous ne pouvions pas faire de développement territorial pertinent sur un « confettis », mais qu’il fallait réfléchir à une échelle plus large. De fil en aiguille, la loi Pellissard sur les communes nouvelles est sortie. Le domaine skiable de Val Cenis qui apporte l’essentiel de la richesse du territoire est géré par un syndicat intercommunal regroupant Lanslebourg, Lanslevillard, Termignon et Sollières-Sardières. Nous avons décidé d’élargir la commune nouvelle à ces quatre communes qui travaillaient ensemble puis à Bramans. Prendre le nom de Val Cenis qui était le nom commercial de la station touristique paraissait logique et a fait fortement augmenter notre notoriété.

Qu’est-ce que vous aimez dans la vie municipale ?
Agir pour le territoire, bâtir des projets, être au service des autres. Nous vivons à 87 % des revenus du tourisme. À la différence de ma génération et de celle de mes parents, les jeunes ne sont plus obligés de partir d’ici pour trouver du travail. Depuis la création de la commune nouvelle, nous avons beaucoup plus de moyens pour développer et mettre en œuvre nos projets. Dans chacune des anciennes communes, le maire délégué joue un rôle d’interface avec les habitants et fait remonter les besoins de son village. Je peux me consacrer aux réflexions politiques de développement de territoire et m’impliquer dans les organismes extérieurs. Échanger avec des collègues au sein de l’intercommunalité, du Syndicat de Pays de Maurienne et de la Société publique locale (SPL) Haute-Maurienne Vanoise Tourisme qui gère l’office du tourisme intercommunal ouvre mon champ de vision. J’aime aussi la grande diversité des sujets à traiter, et l’enrichissement intellectuel que cela apporte.

Ce que vous aimez le moins ?
Le stress que nous met l’État depuis quelque temps, la perte du sens de l’intérêt collectif. La multitude de courriers électroniques que nous recevons tous les jours. Gérer le quotidien, les petits soucis…

Si vous deviez brosser le portrait de la commune, qu’en diriez-vous ?
C’est la plus belle et la deuxième plus grande de France métropolitaine derrière Arles. Nos villages de Haute-Maurienne ont été en grande partie brulés par les Allemands durant la seconde guerre mondiale. Les maisons reconstruites sont très grandes avec plusieurs appartements qui sont souvent inoccupés, mais que les propriétaires ne souhaitent pas louer ou vendre, ce qui pose des problèmes pour loger les jeunes ou les personnes souhaitant travailler dans notre commune. L’été, nous avons une activité touristique forte du fait de la proximité du parc national de la Vanoise dont nous accueillons 35 % de la surface. Nous bénéficions du passage des cols du mont Cenis et de l’Iseran, de la proximité avec l’Italie et de l’attractivité du plateau du mont Cenis. Tout comme la randonnée, l’activité vélo –route et VTT– se développe grâce à la proximité des grands cols, à nos nombreuses pistes forestières et anciens chemins militaires. La Haute-Maurienne attire du monde en été, même si le taux de remplissage des lits touristiques reste inférieur à celui de l’hiver.

Comment se porte l’activité ski ?
Nous avons la chance d’avoir un domaine skiable qui s’étale entre 1 300 et 2 800 mètres d’altitude avec 125 kilomètres de pistes, 29 remontées mécaniques, et de bonnes perspectives d’enneigement en raison d’une exposition plein nord et des pistes en forêt ce qui empêche la neige de trop fondre. La saison hivernale commence mi-décembre pour s’achever mi-avril, moins par manque de neige que par manque de skieurs. Malheureusement, les gens ont tendance à avoir davantage envie de soleil que de ski en fin de saison.

Vous avez aussi la spécificité d’abriter un barrage hydroélectrique… 
Avant le barrage actuel, il y en a eu un premier, au tout début de l’hydroélectricité puis un deuxième construit avant la guerre par les Italiens. Après la guerre, la frontière qui se situait au col du mont Cenis a reculé ; le plateau du mont Cenis qui était italien est devenu français. Quand le barrage a été construit, EDF a aidé les gens à rénover leurs maisons pour loger les ouvriers, ce qui a amené un peu de richesse. On retrouve le même phénomène aujourd’hui avec le chantier du Lyon-Turin. En 1967, après la construction du barrage, une équipe emmenée par le maire Pierre Borot, décédé en 2023, a décidé de fonder un syndicat intercommunal associant Lanslebourg et Lanslevillard pour créer une station. À l’époque, il a déjà fallu que les deux communes travaillent ensemble : des terrains de neige très intéressants se situaient sur Lanslevillard, les logements et les commerces plutôt sur Lanslebourg. La station a amené du tourisme qui a soutenu l’agriculture de la Maurienne au travers notamment de la biactivité qu’elle a permis et de l’appellation d’origine contrôlée protégée (AOP) beaufort. C’est un cercle vertueux associant tourisme et agriculture.

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