Le cœur du pouvoir passe à l’Assemblée nationale

La date du 7 juillet 2024 restera gravée dans l’histoire des institutions françaises. La dissolution de l’Assemblée nationale aboutit à une situation inédite depuis la création de la 5e République. Le modèle imaginé en 1958, pour favoriser un régime parlementaire à exécutif fort, est entré dimanche soir dans une configuration inconnue.

Les sondeurs et les observateurs de la vie politique sont passés à côté ! Certes, ils avaient anticipé l’apparition de trois blocs majeurs à l’Assemblée nationale, mais ils n’avaient pas le tiercé dans l’ordre.
L’appel au front républicain anti-RN a mieux fonctionné qu’imaginé. La dynamique électorale du parti de Marine Le Pen a été stoppée par la mobilisation du second tour, aussi forte que le dimanche précédent (66,63 % le 7 juillet, contre 66,71 % le 30 juin). Cette participation « record » traduit la volonté d’une majorité de ne pas porter le RN au pouvoir. Même les électeurs privés de leur candidat au soir du premier tour, ou par le jeu des désistements, se sont déplacés.
Toutefois, certains ont choisi de ne pas choisir… en glissant un bulletin blanc ou nul dans l’urne. Le taux des suffrages exprimés baisse d’environ 3 points à l’échelon national, passant de 97,41 % à 94,50 %. Les pays de Savoie n’échappent pas à ce choix des électeurs. Dans la 4e circonscription de la Savoie, où le député sortant LFI affrontait un candidat RN, le nombre de bulletins blancs ou nuls a explosé (+ 9 points) approchant les 12 % et faisant chuter l’expression démocratique de 97,21 % au premier tour, à 88,57 %.  
Malgré tout, le Nouveau Front Populaire (NFP) sort donc victorieux de ces élections législatives. C’est une surprise! Contrairement au recul de la majorité présidentielle, qui limite toutefois les dégâts.
Selon les résultats définitifs publiés par le ministère de l’Intérieur, le NFP obtient 182 sièges de députés (30 de plus que la Nupes en 2022), le camp macroniste et ses alliés 166 (90 de moins) et le Rassemblement national 143 (50 de plus). Aucun des trois blocs n’obtient la majorité absolue, fixée à 289 sièges. Arrivent ensuite les Républicains et divers droite (62 sièges) et les candidats indépendants (24).
Dans le détail, au sein du NFP, La France Insoumise compte 78 députés. Dans le camp de l’ex-majorité présidentielle, le groupe Ensemble !, fidèle à Emmanuel Macron, est le mieux représenté avec 99 élus.

Une manière de gouverner la France inédite

Ces résultats électoraux ouvrent la voie à une situation sans précédent en France. Alors que les précédentes dissolutions (Mitterrand 1988, Chirac 1997) avaient ouvert la voie à des cohabitations s’appuyant sur des majorités claires, cette fois le pari du président de la République n’a pas abouti à la clarification souhaitée au soir des élections européennes. La nouvelle Assemblée nationale est aussi morcelée que la France est actuellement fracturée.
Le pays est dans l’attente de la prochaine décision du président Macron, à savoir la nomination d’un nouveau Premier ministre. Qui sera-t-il ? Pour mener quelle politique ? L’hypothèse Jordan Bardella s’est évaporée dimanche soir. Le prochain locataire de Matignon devrait logiquement être issu des rangs du Nouveau Front Populaire. Mais de quelle tendance ? Et, qu’il soit LFI, socialiste ou écologique, le futur Premier ministre aura fort à faire pour réunir une majorité absolue autour d’un programme très commenté, voire décrié.
Après le pari perdu de la dissolution de l’Assemblée nationale, Emmanuel Macron sera tenté de reprendre la main, par exemple en proposant un Premier ministre de consensus, dont le profil satisferait son camp –évidemment– et un spectre large et inédit allant de la gauche socialiste à la droite républicaine.