Situations de crise : Résiliente résilience

Le Résilience Tour 2023 devait faire étape à Albertville le 14 novembre dernier. L’exercice de simulation de crise s’étant transformé en crue cinquantennale réelle de l’Isère et de l’Arly, l’événement a été ajourné et reprogrammé le 5 mars à l’initiative du SMBVA, de l’IRMA et de l’AFPCNT.

« Allez, enfile ça !  » Je n’ai rien demandé, je suis là en touriste, et je me retrouve avec la chasuble blanche du RAC, le responsable des actions communales. Quèsaco ?
« C’est simple : tu coordonnes toutes les actions communales pendant la crue centennale que l’on annonce dans la ville.« 
« Ah, ben si ce n’est que ça, je suis rassuré !« 

Et nous voilà une petite vingtaine d’élus ou autres, rassemblés autour d’une table, affublés de chasubles variées, pour nous occuper d’une crise majeure dans une ville que nous ne connaissons pas (Saint-Laurent-du-Pont). Le temps fort majeur de la session organisée pour les élus du bassin-versant de l’Arly (Savoie et Haute-Savoie) est justement cet exercice de gestion d’un PCS. Normalement, toutes les communes des pays de Savoie devraient en avoir un, notamment à cause du risque sismique dans les Alpes, mais pas que…
Mais entre disposer d’un dossier constitué il y a des années au fond d’un ordinateur de la mairie et la mise en route du machin sous la pression d’une crise, il y a un monde…

Quand la main courante court après le temps

Nous faisons semblant d’y être. D’après un appel du pompier qui regarde par-dessus mon épaule, la crue du Guiers devient préoccupante. Le Haut-Savoyard qui porte la chasuble du DOS, le directeur des opérations de secours, alias le maire, doit donc lancer son orchestre. Et le RAC aussi, qui passe les consignes au groupe sécurité pour aller voir sur place, à la logistique pour ouvrir des salles de repli, à la communication pour lancer des messages sur le Facebook local, histoire de prévenir les habitants. Et non seulement faut y faire, mais faut y dire aussi aux gars chargés de la main courante. Minute après minute, ceux-là notent tout ce qui se dit et se fait. Il paraît que c’est primordial pour le suivi de gestion de crise. Ou pour les avocats après, si jamais on vient nous chercher des noises sur notre façon de faire…

Passé l’amusement initial, on se prend au jeu. Sans le stress de la réalité (quand vous connaissez les habitants dont la maison est sous l’eau, c’est plus dur…), mais avec le stress de l’ignorance du territoire. « Ça déborde rue Charles-de-Gaulle ? Mais c’est où ? » En vrai, il n’est pas toujours certain que tous les élus d’un conseil connaissent bien l’ensemble de leur commune, lieux-dits et rues compris.

Nous avons à notre disposition les classeurs du PCS de Saint-Laurent, mais grâce à notre ignorance, nous oublions de prévenir l’école qui a déjà les pieds dans l’eau. Minute après minute, le PC communal est abreuvé de mauvaises nouvelles par des organisateurs rigolards devant le début de panique. Il n’y a plus d’électricité ici, des caravanes de gens du voyage ailleurs, et la crue vire à la crue majeure…

Les deux policiers municipaux sont débordés, la gendarmerie aussi. La logistique demande des moyens humains pour accueillir les réfugiés à la salle polyvalente (et qui sait faire fonctionner la machine à café ?). Les standardistes sont débordés par les appels du public, un embâcle menace le pont principal (qui a une pelle 40 tonnes pour sortir rapidement les bois qui bloquent ?). La station d’épuration est noyée, l’eau potable risque d’être contaminée, les communes voisines ont aussi du monde à héberger « hors d’eau ».

Le scénario est bien monté, et pendant près d’une heure trente nous essayons de réagir efficacement aux multiples sollicitations. Un peu, beaucoup, dans le désordre, mais j’ai le sentiment que dans nos communes nous serions plus cohérents : nous nous connaissons, et nous connaissons terrain et habitants.

Et dans la vraie vie, vous en êtes où ?

Fin de partie. Mais chez moi, c’est comment ? J’ai un PCS, mais cela fait longtemps que l’on n’a pas vérifié sa mise à jour. Le plus à jour, c’est la liste des personnes âgées : on s’en sert pour le colis de Noël. Mais le 06 du conducteur de pelleteuse, ou de celui qui a une tronçonneuse, ce n’est pas sûr. L’élu d’astreinte a bien les clés de la mairie, mais pas certain qu’il ait le code des ordinateurs pour démarrer un PCS informatisé. Donc il y a aussi un classeur papier. Et il faudra une lampe de poche, le temps que les services techniques ramènent le groupe électrogène pour relancer le jus à la mairie. Tout est dans le détail…

« Le plus important dans une gestion de crise, c’est la pâte humaine », dira ensuite Bernard Airenti, vice-président de l’IRMA. Les communes sont supposées faire un exercice tous les cinq ans (un par mandat !), ce qui est peu. « Gérer une crise, ce n’est pas le fonds de commerce des élus : il faut donc pouvoir s’appuyer sur des outils à jour », souligne de son côté le commandant Samuel Druz, du SDIS de la Savoie. Donc, avant même de faire un exercice, le premier exercice est de relire son PCS, et de le partager avec un maximum d’élus (qui sera là le jour de la vraie crise ? L’organigramme théorique doit pouvoir être souple !). Et depuis la loi Matras, les intercommunalités ont elles aussi l’obligation de préparer un PICS, en lien avec les communes, le PICS ne supprimant pas les PCS.

Institut des risques majeurs
https://www.irma-grenoble.com/

Mémento du maire et des élus locaux
https://www.mementodumaire.net/

Dispositif d’alerte et d’information des populations
https://fr-alert.gouv.fr/