Si vis pacem, para bellum ?

Parmi les nombreuses interventions des forums du 107e congrès des maires de France, il en est une qui a marqué les maires et le monde politico-médiatique : celle du chef d’état-major des armées (CEMA), le général d’armée aérienne Fabien Mandon. De son long discours, il n’a été retenu qu’un extrait de phrase : le pays doit être « prêt à accepter de perdre ses enfants ». Phrase choc, pour les maires, les mères et toutes les familles, donnant l’impression d’une armée prête à en découdre avec le grand voisin russe… 

Il convient donc de remettre la phrase dans son contexte, celui d’une longue intervention du CEMA, discours sur l’état du monde et sur la place des maires dans la défense nationale, ces maires « premier maillon au contact de nos concitoyens ». Au-dessus de nos difficultés quotidiennes de gestion communales, le CEMA place l’existence d’une France libre et démocratique, liberté et démocratie qui ne vont pas d’évidence pour une partie notable des dirigeants sur cette planète. Pointant le désengagement des Etats-Unis vis-à-vis de l’Europe, engagé il y a longtemps mais plus brutalement exprimé ces temps-ci, le CEMA souligne le développement de la Chine (une « bascule du made in China au made by China »), nouvelle puissance militaire, utilisant sa puissance industrielle et commerciale comme des armes bien coordonnées, avec un œil sur Taiwan… et les ressources de la planète.

Plus proche, la Russie, engagée dans une guerre d’agression en Ukraine, peut être bientôt libérée de cette guerre, et qui voit l’OTAN comme « un ennemi existentiel ». En Afrique, douze ans après notre intervention au Mali, les positions du terrorisme islamique n’ont jamais été aussi fortes. L’appel à « des corps expéditionnaires russes » n’a pas permis de rétablir la sécurité (« en revanche, ils arrivent bien à préempter toutes les richesses du pays »). Avec la persistance de conflits aux proche et moyen orient, le portrait de la planète finit par être assez sombre. 

Montrer notre force technique et surtout morale

Pour le CEMA, penser que la France et l’Europe pourront rester tranquillement à l’écart de ce noir tableau est une illusion. Pour lui, le risque majeur est d’apparaître faibles. Or, « nous sommes fondamentalement forts ». 500 millions d’européens sont-ils sous la menace de 140 millions de russes ? Non si nous montrons nos capacités industrielles, armées et notre moral. Oui si nous étalons divisions, nos doutes. D’où la petite phrase : « si notre pays flanche parce qu’il n’est pas prêt à accepter de perdre ses enfants, parce qu’il faut dire les choses, de souffrir économiquement parce que les priorités iront à de la production de défense ». L’objectif de cette phrase choc était là : « on est dans le moment où il faut en parler. Il faut en parler dans vos communes ».

Pour le CEMA, l’enjeu est de faire comprendre notre détermination et notre solidarité avec les pays de l’Europe de l’Est, justement pour qu’il n’y ait pas d’attaque, ni contre nous, ni contre un quelconque pays européen de l’OTAN. 

Le maire au contact du terrain

La place des maires dans tout cela ? Pour le CEMA, « notre défense se construit localement. La conscience, elle est locale. Et vous êtes les meilleurs relais, vous êtes celles et ceux qui ont le courage dans leur mandat et qui sont au contact de nos concitoyens ». Rappelant le rôle renforcé des correspondants défense, des réservistes, le CEMA se fit pragmatique sur la fin de son intervention : la place des maires, c’est aussi d’accepter de la gêne lors des manœuvres militaires, c’est aussi d’accepter des enfants de militaires dans les écoles, d’avoir des logements pour simplifier les mutations d’officiers, de sous-officier, et de contribuer à trouver du travail à leurs conjoints… Rappelant que l’industrie de l’armement est aussi une activité économique pourvoyeuse d’emplois, il conclut sur le rôle des maires dans le devoir de mémoire, le rappel des sacrifices passés, et de la liberté retrouvée grâce à eux…