Entrevue :  Pierre Duperchy, maire de Saint-Alban-de-Montbel

Installé à Saint-Alban-de-Montbel depuis 1988, Pierre Duperchy en est devenu maire en 1992 puis, après une pause de trois mandats, de nouveau en 2020. Attaché au caractère rural de son village, il veut limiter la croissance démographique et favoriser les liens entre habitants. 
Entrevue parue dans le magazine Mairie des pays de Savoie n°276 – Janvier 2025

Quel est votre parcours ?

Je suis natif de Yenne. Quand j’étais plus jeune, je venais souvent à Saint-Alban-de-Montbel pour profiter du lac. Je me suis marié avec une jeune fille de Nances et en 1988 nous avons acheté une maison à Saint-Alban-de-Montbel. En 1992, le maire sortant Bruno Grimonet qui était en fonction depuis plus de 40 ans a décidé de ne pas se représenter. Je n’étais pas d’accord avec le chef de file de la liste qui rassemblait quelques sortants. J’ai donc monté ma propre équipe avec des personnes ayant choisi de vivre ici et souhaitant que le village conserve son charme et son caractère rural. Le danger à nos yeux était qu’il devienne la banlieue de Chambéry.

Que s’est-il passé ?

Dix candidats de notre liste ont été élus ainsi qu’un indépendant. Ma vie professionnelle m’amenait à beaucoup me déplacer. Après un mandat de maire, j’ai proposé à mon premier adjoint de prendre le relais et je suis devenu son premier adjoint pour un deuxième mandat. J’ai ensuite décidé de faire une pause jusqu’en 2020 où j’étais en désaccord avec l’équipe en place. J’ai donc remonté une liste qui a été intégralement élue. En dix-huit ans, je constate beaucoup de changements. Il ne suffit plus de prendre sa voiture pour aller au conseil départemental, à Chambéry, demander des subventions. Il y a beaucoup de paperasses, de procédures, la constitution des dossiers est plus complexe. Notre commune est dépendante de ces subventions pour investir, elle ne dispose pas de revenus locatifs ou touristiques. En début de mandat, nous avons promis aux habitants que nous n’augmenterions pas les impôts. Pourtant l’État va encore nous ponctionner 70 000 euros sur notre dotation globale de fonctionnement, ce qui ramènera l’aide que nous touchons à 100 000 euros. De plus, l’État prévoit une forte diminution, voire la suppression des dotations comme le Fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP) et du Fonds de péréquation de la taxe additionnelle aux droits d’enregistrement (FDPTADE) dont nous avons bénéficié en 2023 pour des montants respectifs de 67 887 euros et 37 661 euros. Cela aura un impact lourd sur notre budget.

© Mairie de Saint-Alban de Montbel

Comment se porte la commune ?

En 1988, nous étions 250-300 habitants. La population a plus que doublé aujourd’hui et le foncier qui était bon marché a flambé avec des prix quasi multipliés par dix et des possibilités de construction restreintes par l’instabilité du sous-sol, gorgé d’eau. Dans les années 1990, nous avions d’ailleurs dû évacuer une maison suite à un important glissement de terrain. Aujourd’hui, nous sommes près de 700 habitants, nous avons la chance de compter encore un agriculteur, un Gaec qui produit du lait, de la viande, du miel et de nombreux commerçants, artisans, professionnels de santé qui répondent aux besoins des habitants. La commune est très dynamique tout en conservant son caractère rural.

Qu’aimez-vous dans votre mandat de maire ?

Le contact, la négociation. Gérer un village, ne pas l’abimer, c’est très important. En tant que maire, on vit aussi de très bons moments, lors de la célébration des mariages et des baptêmes civils par exemple. Nous avons remis en place un comité des fêtes pour faire en sorte que les gens se rassemblent. J’aimerais qu’à la fin du mandat, tout le monde se dise, bonjour car c’est le premier mot de contact.

Ce que vous aimez moins ?

Le paraître, les incivilités, l’hypocrisie, le manque de respect en particulier envers le personnel municipal. Je n’hésite pas à convoquer les enfants et leurs parents lorsqu’il y a des problèmes de comportement à la cantine ou au périscolaire. Lorsqu’une personne entre dans mon bureau, sans un bonjour et en me disant « je veux », je continue la tâche en cours jusqu’à ce qu’elle comprenne. Entendre parler d’intelligence artificielle m’agace, je préférerais que l’on mette d’abord un peu plus en œuvre l’intelligence humaine.

Quels sont les projets du mandat ?

Nous avons repris et sérieusement revu le plan local d’urbanisme qui avait été lancé par l’équipe municipale précédente. Restrictif, le PLU que nous avons voté il y a deux ans a été qualifié d’exemplaire par la Direction départementale des territoires. Compte tenu de la rareté du foncier, de sa nature instable et de notre volonté de ne pas dénaturer le village, nous n’avions pas le choix. Mais faire comprendre à des propriétaires fonciers que finalement leur terrain ne sera pas constructible, ce n’est vraiment pas simple. Notre objectif est maintenant de privilégier le tout petit collectif.Nous avons aussi lancé une extension-rénovation de l’école. Construit en 1984, le bâtiment était une véritable passoire thermique, hiver comme été. Il est arrivé que, à partir du 20 avril, les enseignants soient obligés de faire classe à à l’extérieur tant les températures intérieures sont intenables. Pour cette opération que nous avons confiée à l’agence d’architecture Ankha, nous avons été conseillés par le CAUE73.

“Notre intégration dans le parc naturel régional de Chartreuse constitue un atout précieux” 

Quelle est la nature des travaux ?

Les travaux s’élèvent à 1,1 million d’euros que nous avons financés avec l’aide de l’État, de la Région et du Département. Réalisés avec des matériaux biosourcés comme le bois de Chartreuse, la laine de roche, ils comprennent une réfection complète. Nous n’avons gardé que la structure et une extension de 107 m², ce qui portera la superficie totale à 417 m² et permettra la création d’une salle supplémentaire. La toiture est mise à disposition de la centrale villageoise Avant-Pays Solaire pour l’installation et l’exploitation d’une centrale photovoltaïque. Le premier panneau a été posé en présence des enfants qui suivront de près la production d’énergie. La réalisation du chantier a nécessité de libérer de l’école. Plutôt que de louer des préfabriqués qui nous auraient coûté très cher, nous avons installé une des deux classes dans la bibliothèque, l’autre dans la salle du conseil municipal. Les enseignants nous ont apporté une aide précieuse pour organiser et effectuer ces déménagements. Il y a deux ans, nous avons embauché une secrétaire de mairie qui se charge des demandes de subventions, du suivi administratif et financier, de la coordination des travaux, des déclarations de sous-traitance, etc. Ce soutien est extrêmement précieux.

Quels sont les autres projets ?

L’aménagement de la Véloroute des cinq lacs qui relie le Léman et Paladru en passant par Annecy, le Bourget et Aiguebelette à travers trois départements (Isère, Savoie, Haute-Savoie) a été engagé par la Région. Ce projet auquel nous sommes bien sûr très favorables et qui traverse une bonne partie du territoire communal n’était pas prévu au programme. Mais nous en allons en profiter pour sécuriser certains carrefours et traversées, car ces travaux, nécessaires, nous coûteraient beaucoup plus cher si nous les faisions plus tard. Le coût à la charge de la commune est de l’ordre de 500 000 euros, ce qui est conséquent au regard de nos faibles ressources et du fait que ce type d’aménagement est peu subventionné.

Qu’en est-il du tourisme et de la sur-fréquentation ?

Pendant longtemps, Saint-Alban-de-Montbel a été le bout du monde et comptait essentiellement des résidences secondaires. La problématique était d’attirer des visiteurs. Le Syndicat mixte d’aménagement du lac d’Aiguebelette portait d’ailleurs des projets d’aménagement comme la base de loisirs du Sougey, sur notre territoire, soutenus à hauteur de 80 % par le Département. À l’image du lac d’Aiguebelette, ce site est devenu, avec la proximité de l’autoroute, très attractif et très fréquenté. À partir du mois de mai et jusqu’à début juillet, il attire une forte clientèle de Lyonnais et Grenoblois qui viennent à la journée. La fréquentation devient plus facilement gérable pendant les vacances, quand les vacanciers sont là et que cette clientèle des week-ends est elle-même en vacances. Je suis depuis peu vice-président chargé du tourisme à la Communauté de communes du lac d’Aiguebelette (CCLA) et j’espère que nous allons trouver des outils pour mieux gérer nos capacités de stationnement. L’idée n’est pas de les accroître mais par exemple d’informer, dès la sortie de l’autoroute, sur les places de stationnement disponibles. Notre intégration dans le parc naturel régional de Chartreuse (sur les 10 communes de la CCLA, seule Aiguebelette n’a pas intégré la structure) constitue un atout précieux dans ce domaine. Leurs techniciens disposent d’une certaine expertise et peuvent nous apporter leur appui.

Quel regard portez-vous sur l’intercommunalité ?

D’une manière générale, je pense que les élus n’osent pas assez s’exprimer et dire ce qu’ils pensent dans les assemblées. Depuis l’élection du nouveau président à la CCLA, le dialogue est meilleur. J’étais personnellement en faveur d’une union entre la CCLA (6 000 habitants) et la Communauté de communes Val Guiers (12 000 habitants). Nous aurions formé un ensemble intéressant avec davantage de moyens. Je suis ravi que nous ayons intégré le parc de Chartreuse ce qui permet d’élargir l’horizon et d’enrichir les débats.

Comment voyez-vous l’avenir ?

Difficile en raison du manque de moyens dont nous disposons alors que nous devons répondre à des besoins croissants.

© Mairies des Pays de Savoie