Véritable engagement éthique et moral des promoteurs envers les communes, les « chartes promoteurs » ou « chartes de l’urbanisme » permettent d’obtenir un engagement de bonne conduite et de bonne pratique des opérateurs immobiliers privés qui consentent, ainsi, à adhérer à la volonté communale en termes de constructions.
Initialement utilisées par les communes pour imposer aux opérateurs immobiliers la construction de logements sociaux afin d’atteindre les objectifs fixés par la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain (SRU), ces chartes sont aujourd’hui plus largement mises en œuvre comme un outil permettant d’encadrer le développement d’une offre de logements de qualité et à prix maîtrisés.
Elles peuvent notamment permettre d’encadrer la qualité architecturale et environnementale des constructions, d’encadrer les prix de vente des logements, de prévoir une précommercialisation visant à favoriser l’accession à la propriété des habitants et salariés de la commune ou des ménages modestes, etc. Elles peuvent également s’accompagner d’une labélisation des constructions réalisées dans leur champ.
Bien que considérées erronément comme contraignantes et souvent décriées par les opérateurs immobiliers, ces chartes permettent d’organiser un espace de négociations et d’échanges entre les acteurs de l’aménagement du territoire quant aux attentes quantitatives et qualitatives de la commune au-delà du cadre des documents d’urbanisme.
S’il n’existe aucune obligation pour les promoteurs d’adhérer à une telle charte, l’intérêt pour eux est de s’inscrire dans de bonnes relations avec les communes, voire de se prémunir d’éventuels blocages avec les riverains, de plus en plus enclins à contester les opérations devant le juge civil et non seulement administratif.
Construire mieux et répondre spécifiquement aux attentes et aux enjeux actuels
L’intérêt pour les communes est de maîtriser l’aménagement de leur territoire. En effet, face à une pression foncière de plus en plus importante accompagnée d’une crise du logement grandissante, les Plans locaux d’urbanisme (PLU) et autres documents d’urbanisme, bien que conçus pour guider le développement urbain, montrent leurs limites à mesure que les besoins en logement des communes évoluent. Les PLU, qui n’ont pas suffisamment anticipé ces difficultés et, qui manquent de précisions, sont demeurés dans une approche par secteur et non pas par îlot, voire à la parcelle. Dès lors, ils sont obsolètes en ce qu’ils conduisent à autoriser la réalisation de constructions inadaptées en termes de localisation, de volumétrie et de qualité, au détriment de la qualité de vie, du bien-être et de la qualité architecturale. Dans ce contexte, les chartes promoteurs constituent un véritable levier complémentaire pour pallier ces limites et mieux répondre aux défis croissants liés à l’urbanisation.
Ainsi, pour relever les défis posés par les crises du logement et de la construction, la charte promoteur constitue un instrument permettant de construire mieux et répondre plus spécifiquement aux attentes et enjeux actuels et propres à chaque territoire. En proposant des projets plus adaptés aux particularismes locaux, elles contribuent à une meilleure acceptation des projets.
Bien que non encadrées, ces chartes n’en demeurent pas moins sujettes au contrôle du juge lorsqu’elles excèdent la simple déclaration d’intention. Une attention particulière doit donc être portée tant sur la forme que sur le contenu de telles chartes. Pour illustration, le tribunal administratif de Rouen a été saisi de la légalité d’une délibération du conseil municipal de Bois-Guillaume (membre de la Métropole Rouen Normandie) ayant institué une « Charte de l’urbanisme et du cadre de vie ». Dans son jugement du 26 janvier 2023 (n°2202586), le tribunal relevait, sur la forme, qu’une commune membre d’un EPCI compétent en matière de PLU n’a pas compétence pour approuver une telle charte promoteur. Sur le fond, il jugeait qu’une charte ne doit pas imposer aux opérateurs immobiliers des règles impératives relatives à la conception ou à la réalisation de projets de construction, relevant, par nature, de la loi ou du règlement.
En d’autres termes, l’incitation contenue dans les chartes ne doit pas devenir règlementation, c’est-à-dire créer une norme nouvelle s’imposant aux autorisations d’urbanisme. Si ces chartes viennent ajouter des considérations qualitatives et quantitatives au-delà du cadre des documents d’urbanisme, il ne s’agit pas de PLU bis. À manier donc avec précaution.
Alison Amet
Avocat au Barreau d’Annecy
Collaboratrice au Cabinet d’avocats Philippe Petit & Associés