Entrevue : Catherine Jullien-Brèches, maire de Megève

Native de Megève, Catherine Jullien-Brèche en est le maire depuis dix ans, après un mandat de conseillère municipale et un d’adjointe. L’une de ses priorités est de permettre le maintien de la population permanente et saisonnière malgré le prix du foncier.

© Mairie de Megève

Quel est votre parcours ?

Issue de deux anciennes familles mégevanes qui ont contribué avant moi au développement économique du village, je suis une enfant du pays. Mes études – une licence de langues étrangères appliquées option tourisme – me destinaient à reprendre l’hôtel familial où travaillaient mes grands-parents et ma maman, mais le décès subit de mon grand-père n’a pas permis cette transmission. J’ai travaillé dans une entreprise locale de menuiserie où je suis entrée comme secrétaire de direction pour une période qui ne devait pas dépasser quelques mois. Finalement, j’y suis restée 15 ans. Ensuite, je me suis installée dans l’ancien hôtel familial pour ouvrir une boutique de cadeaux, souvenirs, ouvrages de femmes que j’ai tenue pendant deux décennies.

Comment s’est effectué votre engagement dans la vie locale ?

En parallèle de mon activité de commerçante, je me suis impliquée dans les associations locales, en tant que présidente de l’Association des parents d’élèves, et de la section natation du Club des sports dans laquelle une de mes filles a évolué à haut niveau. En 1989, j’ai refusé de m’engager au sein du conseil car je manquais de disponibilité. Quand on est de nouveau venu me chercher en 1994, j’ai fait un mandat de conseillère municipale suivi par un mandat d’adjointe de 2001 à 2008. Les élections suivantes, je n’ai pas été élue. On m’a proposé de monter en liste en 2014 qui a été élue et réélue en 2020.

Quelle maire êtes-vous ?

La constitution d’une liste implique de rassembler des personnes qui ont des compétences et une sensibilité pour porter les projets, mais chacun n’aborde pas la mission avec la même vision et les mêmes objectifs, le maire doit continuellement veiller à l’unité de son équipe. C’est un peu compliqué aujourd’hui d’attirer des jeunes qui travaillent et ont une vie de famille. Un mandat implique des sacrifices qui empiètent indéniablement sur la vie personnelle. Pour ma part, j’ai pour habitude de m’engager à fond dans ce que je fais. Jusqu’en 2014, lorsque j’ai décidé de fermer ma boutique, mon rôle d’élue a largement impacté l’activité de mon commerce. Je me souviens avoir dû m’absenter pour des réunions de dernière minute dans un ministère alors que la saison d’hiver, cruciale en termes de chiffre d’affaires, battait son plein. J’avais heureusement la chance d’avoir une maman qui m’a beaucoup aidée. Gérer une commune comme Megève c’est un travail à temps plein qui commence à 8 heures le matin et qui se termine tard le soir parce qu’il faut traiter les courriels…

Quelles sont vos autres fonctions ?

Je suis conseillère départementale depuis trois ans et première vice-présidente à la communauté de communes du Pays du Mont-Blanc. Depuis le Covid-19 nous avons heureusement des outils qui permettent de travailler parfois à distance et d’éviter des temps de déplacement qui peuvent être plus importants que la réunion en elle-même. Au Département comme à la communauté de communes, je suis chargée du tourisme, ce qui me donne une vision complète du domaine. Être élue départementale est très important pour un maire, car on acquiert une vision plus globale du territoire et de ses enjeux.

Qu’est-ce que vous aimez dans la vie publique ?

Porter des projets pour l’intérêt général, améliorer les conditions de vie et le quotidien de nos administrés. J’aime aussi la proximité avec la population et la réflexion à mener pour le développement de notre village. Je me suis formée petit à petit, à chaque étape : le travail effectué en tant que conseillère municipale m’a plu, comme celui d’adjointe et de maire. Me consacrer à temps plein à mes mandats me permet plus de sérénité que lorsque j’étais commerçante et que je devais passer de l’un à l’autre, et ce même si l’administration publique s’est complexifiée par rapport aux années 1990.

Si vous deviez brosser le portrait de Megève qu’en diriez-vous ?

C’est mon village de naissance, j’y suis très attachée. Nous avons certes des contraintes du fait du coût de la vie, mais nous bénéficions d’une qualité de vie exceptionnelle. L’implication de tous les maires qui m’ont précédée nous a permis de garder ce cœur de village, cette âme si particulière grâce à laquelle les gens – habitants permanents, saisonniers et touristes – se sentent bien ici, ont envie de rester et d’y revenir.

Quels sont les projets du mandat ?

Megève n’est pas une station créée de toutes pièces, mais un village avec des racines, une histoire, un riche patrimoine bâti et historique. D’importantes opérations de rénovation figurent dans les projets du mandat, à commencer par notre magnifique église. Après la rénovation de la toiture, nous poursuivons par l’intérieur et ses fresques. Fermée depuis le mois de septembre 2023 pour cette deuxième phase, elle ne rouvrira que fin 2024. Les écoles publiques vieillissantes qui sont de véritables passoires thermiques vont être restructurées avec leur regroupement dans un seul bâtiment optimisé, rénové et adapté aux enjeux de demain. La transformation du palais des sports est également un gros chantier. Ce complexe de 30 000 m² construit en 1968, qui accueille en particulier une piscine intérieure, un bassin olympique extérieur et une patinoire, est à la fois utilisé par les habitants permanents, nos associations sportives et les touristes. En 2017 se sont ajoutés de nouveaux espaces de remise en forme, balnéo et escalade. Le chantier en cours consiste à inverser le gymnase de plain-pied avec la salle des congrès à l’étage. En devenant plus accessible, cette dernière pourra être mieux exploitée et asseoir un pan nécessaire à notre économie locale avec le tourisme d’affaires. Nous travaillons aussi à la révision de notre plan local d’urbanisme qui doit répondre aux réglementations en constante évolution mais également à nos attentes en termes de préservation de notre population permanente.

Quels sont vos objectifs ?

Notre objectif premier est de faciliter le maintien de la population permanente et saisonnière, c’est extrêmement compliqué en raison des prix du foncier. Même les familles qui détiennent des biens sont bien souvent contraintes de s’en séparer compte tenu de l’impossibilité de régler les droits de succession. Nous avons décidé de ne pas appliquer cette année la surtaxation des résidences secondaires mais, dès l’année prochaine, elle alimentera un fonds dédié à la création de logements permanents. Différents leviers seront mis en œuvre : bail réel solidaire, réhabilitation et construction de biens dont la commune est propriétaire, préemption. Nous avons par exemple préempté un chalet qui avait été transformé en gîte de neuf chambres toutes équipées. Une petite consultation a permis de le louer à un socioprofessionnel pour une année. Nous allons le récupérer à la fin du bail afin de loger les agents municipaux saisonniers.

Vous avez d’autres projets ?

Oui. Les premières années de ce mandat nous ont demandé d’en adapter certains, mais nous travaillons sur des projets structurants pour l’avenir de Megève comme la réhabilitation du parking de l’office du tourisme, de l’autogare ainsi que le réaménagement et la modernisation du domaine nordique. Certains sont en phase de consultation et il n’est pas possible de les développer, mais je constate également que certaines décisions prises à un instant T ne sont plus réalisables pour des raisons économiques, environnementales ou autres. Nous devons être visionnaires tout en ayant une réelle capacité d’adaptation.

Quel regard portez-vous sur l’intercommunalité ?

C’est une intercommunalité qui n’a pas énormément de compétences. Les ordures ménagères, les déchetteries, le transport scolaire et l’environnement avec les actions menées dans le cadre de la protection de l’environnement constituent le gros sujet. Les communes de plaine bénéficient du rayonnement touristique des stations mais, selon leur configuration, les collectivités sont vraiment différentes et confrontées à des enjeux spécifiques.

Comment voyez-vous l’avenir ?

Le ski reste l’activité économique qui fait vivre le village. Mais le réchauffement climatique et la transition écologique vont nous pousser à être inventifs et créatifs pour maintenir notre dynamisme. Notre enjeu sera celui d’être acteurs de cette transition et de ne pas la subir.

Situé dans le canton de Sallanches, Megève s’étend sur 44,11 km² avec une altitude oscillant entre 1 027 et 2 485 mètres. Surclassée dans la tranche des communes de 40 000-80 000 habitants en raison de ses activités touristiques, elle compte environ 3 000 habitants et emploie 300 agents auxquels s’ajoutent 60 saisonniers. Son budget consolidé s’élève à 117 millions d’euros (71 en fonctionnement, 46 en investissement).