ENTREVUE – Jean-Claude Martin, maire d’Alby-sur-Chéran

Engagé depuis 1995 dans la vie publique d’Alby-sur-Chéran, Jean-Claude Martin en est le maire depuis 2001. Très attaché à la commune où il passait ses vacances enfant, ce citoyen du monde à la fibre sociale affirmée insiste sur le sens du service public et les liens tissés avec les habitants.

Quel est votre parcours ?

J’ai grandi à Grenoble, j’ai fait l’École nationale supérieure à Paris et j’ai travaillé à l’étranger, notamment au Maroc où j’ai enseigné durant une dizaine d’années dans des écoles d’ingénieurs. Au retour, j’ai enseigné en classes préparatoires et à l’Ensais à Strasbourg jusqu’à ce que le ministère me propose un poste à Annecy, où je souhaitais revenir. La chanson de Jean Ferrat, La montagne, résume assez bien la vie de mes parents. Mon papa, qui est né en 1921 à Alby-sur-Chéran, était gendarme puis fonctionnaire. J’ai grandi en HLM et nous mangions du poulet aux hormones mais je passais toutes mes vacances dans la ferme familiale où je venais aider mes oncles. Bien plus tard, j’ai eu l’occasion de racheter les parts de mes cousins ce qui me permet aujourd’hui de vivre  dans cette ferme.

Comment vous êtes-vous impliqué dans la vie locale ?

Je me suis impliqué dès mon arrivée dans l’association des parents d’élèves, puisque mes deux enfants étaient scolarisés à Alby. En 1995, je me suis retrouvé adjoint au maire puis président du syndicat de collecte et traitement des déchets (Sitoa) et membre du bureau du Smiac (syndicat du Chéran). En 2001, j’ai été élu maire et président de la communauté de communes du pays d’Alby-sur-Chéran. J’ai également été, pendant quatre ans, conseiller général.
Actuellement, je siège au bureau de la communauté d’agglomération de Grand Annecy, créée en 2017. Je ne souhaite pas d’autres mandats, car depuis que j’ai pris ma retraite, mes engagements publics représentent pour moi un travail à temps plein. Que ce soit lors des permanences ou en journée, lorsqu’ils me croisent, les gens veulent me parler. Même s’il n’a pas toujours la réponse, le maire demeure l’interlocuteur privilégié.

Qu’est-ce que vous aimez dans le mandat ?

J’ai une fibre sociale assez forte et je suis très attaché à la fois au territoire et au service public. J’ai connu trop de villes où les transports, les déchets, l’eau, l’assainissement étaient tenus par de grands groupes. Je pense au contraire que ces services doivent être gérés par les collectivités capables de faire aussi bien qu’un acteur privé si ces compétences sont exercées à la bonne échelle. J’ai ma propre sensibilité politique mais suis sans étiquette. J’aime la politique au sens grec du terme – la gestion de la cité – et pas les positions partisanes. Quand j’ai commencé à m’occuper de la collecte sélective des déchets en 1998, on m’a considéré comme un écologiste. Lorsque nous avons agrandi la zone d’activité intercommunale, les gens ont pensé que j’étais de droite, et lorsque nous avons permis la construction de logements sociaux, on m’a catalogué à gauche. Cette variation des opinions m’amuse.

Ce que vous aimez moins ?

Ce qui me pèse, c’est la charge de travail. Quand il y a eu la réforme des collectivités, la communauté de communes du pays d’Alby s’est vu proposer deux options en raison de sa taille (12 500 habitants alors qu’il en aurait fallu 15 000 pour rester indépendants) : rejoindre l’intercommunalité de Rumilly ou celle d’Annecy. J’ai proposé de rejoindre celle d’Annecy pour exercer les compétences à une échelle pertinente. Cette position m’a valu des ennuis et a laissé des traces, car des communes n’étaient pas d’accord. Une remarque importante : en même temps, la commune nouvelle d’Annecy est née, ne laissant que cinq compétences à l’agglo : les personnes âgées, l’économie, l’aménagement du territoire, l’eau et l’assainissement, les déchets. Auparavant gérés par la C2A, le sport, la culture, la jeunesse, la petite enfance ont été exclus de la nouvelle intercommunalité. De ce fait, au Pays d’Alby, nous avons été obligés de créer une nouvelle structure pour gérer notre pôle culturel et sportif, la petite enfance, la jeunesse et nous n’avons pas de piscine !

Quelle aurait été l’alternative ?

J’aurais voulu que la réforme des collectivités aille au bout ou que les onze communes de la communauté de communes du pays d’Alby fusionnent pour former une commune nouvelle de 12 500 habitants. A mon avis, la loi NOTRe aurait dû commencer par réduire le nombre de communes, car les plus petites peinent à fonctionner.
J’ai aussi l’impression que les projets ont du mal à avancer. On nous a fait augmenter les salaires des fonctionnaires territoriaux, ce qui est tout à fait légitime, mais nous n’avons pas eu de compensation de l’Etat et avec la suppression de la taxe d’habitation, le coût des services repose désormais sur les seuls propriétaires fonciers, ce qui n’est ni très logique ni générateur d’une dynamique.

Vous avez aussi été victime d’une agression en septembre 2022…

Un motard à qui je demandais d’arrêter de faire du rodéo devant le collège m’a mis un coup de poing, ce qui m’a valu d’être hospitalisé. Je n’ai pas été agacé car je n’ai pas eu le temps de voir venir le coup. J’ai été très sensible aux réactions des élèves qui étaient présents et sont venus m’apporter leur aide. Comme je circule beaucoup à vélo, j’ai un peu tendance à faire le gendarme sur la commune, mais depuis l’agression j’appelle la police ou j’interviens en restant loin.

Si vous deviez brosser le portrait d’Alby-sur-Chéran qu’en diriez-vous ?

Située entre Annecy et Aix-les-Bains, la commune est géographiquement petite avec de nombreux hameaux qui se sont développés, le vieux bourg offrant peu d’espaces disponibles. Elle dispose d’un patrimoine bâti intéressant avec la place médiévale, mais aussi d’un patrimoine naturel lié au Chéran qui a beaucoup souffert cet été avec la sécheresse Elle compte 247 logements aidés et présente une importante mixité sociale avec plus de 20 nationalités différentes représentées. J’ai connu beaucoup de pays et je suis un citoyen du monde : depuis que je suis élu, nous avons fait le maximum pour créer des liens entre les habitants au travers d’animations, de concerts… Nous faisons aussi en sorte que les écoles, les services périscolaires et les associations aient les moyens de fonctionner.  

Quelles sont les priorités du mandat ?

Nous avons créé des cheminements pour que les gens se déplacent à pied entre les hameaux et le vieux bourg. J’aimerais que davantage de transports en commun et de pistes cyclables nous relient à Annecy et à Aix-les-Bains. C’est un mode de vie, au-delà du prix de l’essence. Nous terminons l’isolation thermique de l’école primaire et son extension avec la création d’une salle multiactivité en ossature bois, implantée au-dessus du préau dont la conception intégrait cette évolution. Le renouvellement et la requalification du quartier de la Combe figurent aussi parmi les grands projets. Le programme prévoit deux immeubles comprenant des services et des commerces de proximité en rez-de-chaussée, quelques bureaux à l’étage. Les 70 logements réalisés seront tous en accession libre afin d’encourager la mixité sociale dans ce quartier jusque-là marqué par une forte présence de locatifs sociaux. Mise en œuvre à proximité de la future piste cyclable rejoignant Annecy, sans artificialiser des sols vierges, l’opération intégrera une grande place, un parking à vélos, des bornes de recharge pour véhicules électriques, etc.

Quel montage avez-vous choisi ?

La commune a procédé au fil du temps aux acquisitions foncières et vend le terrain au promoteur-aménageur Priams pour qu’il réalise son projet. De notre côté, nous nous occupons de la requalification des voiries. Concernant le foncier, une maison va être rachetée directement par Priams qui se charge également de reloger La Poste.
Avec l’augmentation des charges de fonctionnement de la commune, et du prix de l’énergie, nous ne savons pas encore quand nous pourrons lancer ce projet. Une analyse financière est en cours.

Au niveau intercommunal, quelles sont pour vous les priorités ?

Le plus important, ce sont les transports en commun, les pistes cyclables et le PLUI-HMB (plan local d’urbanisme intercommunal – habitat mobilité et bioclimatique) qui avance et doit nous donner une bonne vision du territoire. Nous devons être capables de faire évoluer raisonnablement le territoire, de continuer à construire en densifiant un peu afin d’éviter le mitage. L’équation n’est pas simple avec les frontaliers qui font monter les prix et occupent des logements, nous obligeant à construire davantage pour loger les salariés dont les entreprises locales ont besoin. J’aimerais encore que les compétences intercommunales évoluent notamment au niveau des équipements sportifs et culturels.

Comment voyez-vous l’avenir ?

J’espère que nous pourrons atteindre nos objectifs et que l’État et les partenaires seront à notre écoute.