Entrevue : Jean-Yves Pachod, maire de Courchevel

En 2020, Jean-Yves Pachod a succédé à Philippe Mugnier à la mairie de Courchevel. Cet ancien moniteur de ski veut renforcer l’image sportive de la station et développer l’habitat pour la population permanente et saisonnière. 

Quel est votre parcours ?
Mes parents étaient originaires de Courchevel-Le Praz. Je suis né à Moutiers et j’ai toujours vécu dans la commune. En tant que moniteur de ski, j’ai intégré, dès l’âge de 22 ans, le comité de direction de l’école de ski. À 30 ans j’en devenais le directeur adjoint. En 1995, je suis entré au conseil municipal avec un premier mandat de conseiller, un deuxième de conseiller délégué et un troisième d’adjoint délégué aux travaux. En 2014, le mode de scrutin a changé instaurant, dans notre strate de population, la parité et le principe d’une liste complète. Nous avons perdu les élections et j’ai dû me retirer compte tenu de ma 5e position sur la liste. J’ai attendu 2020 pour constituer ma propre équipe qui l’a emporté face à deux autres listes. J’occupe mes fonctions de maire depuis juillet 2020, les élections ayant été retardées par la crise sanitaire. Je suis également premier vice-président de la communauté de communes Val Vanoise, une des dernières intercommunalités mises en place en France, président de l’Association des 3 Vallées à Moutiers, vice-président chargé du tourisme estival à l’Assemblée du Pays Tarentaise Vanoise et vice-président de l’ANMSM à Paris, présidée par Jean-Luc Boch, le maire de La Plagne-Tarentaise.

Quel est le climat au sein du conseil municipal ?
Parmi les 23 élus, 6 figuraient sur les deux autres listes qui étaient en lice face à nous lors des élections. Quatre de ces élus minoritaires ont finalement adhéré au programme de la majorité ; quant aux deux autres élus, ils demeurent dans leur rôle d’opposants. Cette opposition systématique complique les relations et les nombreux recours mobilisent beaucoup d’énergie. En 2016, Saint-Bon et La Perrière ont fusionné pour donner naissance à la commune nouvelle de Courchevel. Quand j’ai été élu en 2020, j’ai souhaité supprimer le poste de maire délégué de La Perrière car un maire représente pour moi, l’ensemble de la commune et de ses habitants. Aux prochaines élections, le conseil municipal ne comptera plus que 19 membres.

Quel regard portez-vous sur cette fusion ?
Elle s’inscrivait dans l’ordre des choses, pour des raisons pratiques et en vue de l’organisation des Mondiaux de ski alpin de 2023. Développée sur le territoire de La Perrière, la station de la Tania est l’une des constituantes du domaine skiable de Courchevel et des 3 Vallées. Nous avons déjà fortement investi pour remettre à niveau les infrastructures de La Perrière et il nous reste beaucoup de travail, notamment sur les hameaux. Notre motivation ne résidait pas dans les dotations de l’État qui n’ont duré que deux ou trois ans, mais dans une logique de territoire. La même solidarité prévaut au sein de l’intercommunalité où les communes les plus développées aident leurs voisines moins touristiques.

Qu’aimez-vous dans le mandat d’élu local ?
Je suis né ici et je connais extrêmement bien ma commune dans laquelle je suis investi depuis longtemps : son histoire, ses habitants, son développement au fil des années, sa vie associative… Cette connaissance est très importante pour impliquer la population dans les projets. J’aime cette proximité. Courchevel est une station reconnue à l’international qui attire les plus grands de ce monde. En être le maire est vraiment très intéressant et je m’y investis à temps complet.

Ce que vous aimez moins ?
Les oppositions fortes et systématiques. Nous ne sommes pas obligés d’être toujours d’accord, mais il serait tellement plus constructif de se mettre autour d’une table pour trouver ensemble des solutions. Après la crise de la Covid et la saison blanche, nous avons observé beaucoup d’agressivité, des querelles qui durent dans le temps et un niveau d’exigence accru dans beaucoup de communes. Le mandat de maire devient très difficile en France et aussi à Courchevel où les intérêts en jeu sont forts.

Si vous deviez brosser le portrait de Courchevel, qu’en diriez-vous ?
Au sein des 3 Vallées, le plus grand domaine skiable au monde, elle est reconnue dans le monde entier avec cinq niveaux de stations situés entre 1 300 et 1 850 mètres d’altitude et 25 hameaux. Notre particularité est d’offrir du ski au pied à tous les niveaux. Nous passons de 2 500 habitants à l’année à 40 000 au plus fort de la saison hivernale. La commune détient un patrimoine de 200 000 m² d’équipements et infrastructures de premier plan (gymnases, groupe scolaire, centre technique, bâtiments en tout genre dont les tremplins olympiques que nous maintenons en état de fonctionnement). Ce à quoi s’ajoutent la patinoire, l’Aquamotion et les parkings. Nous avons la chance de vivre dans des espaces grandioses de montagne, facilement accessibles en été et en hiver.

Quelles sont les priorités du mandat ?
La station a souvent été attaquée de toutes parts. Je souhaite poursuivre le travail mené sur les valeurs du sport. C’est ce que nous avons fait avec les championnats du monde de ski alpin, qui se sont admirablement bien passés, mais aussi cet été avec l’accueil du Tour de France et de la Coupe du monde de saut dames et hommes. Nous faisons aussi le maximum pour que les jeunes puissent rester sur la commune, malgré les difficultés pour se loger à des prix abordables. Nous ne disposons que de 800 logements alors que nous comptons 5 000 saisonniers. Compenser le déficit implique de réaliser à chaque mandat des programmes de logements pour la population permanente et les saisonniers. Cela n’a malheureusement pas été le cas durant le mandat précédent, mais l’objectif est vraiment de faire le maximum pour que les jeunes puissent travailler et vivre ici. La problématique concerne aussi les employeurs qui ont besoin de loger leurs salariés. Le territoire communal concentre par exemple une cinquantaine d’hôtels et palaces dont les effectifs salariés sont nombreux.

Quels sont les projets sur lesquels vous travaillez ?
Le Covid et la saison blanche ont freiné le lancement des dossiers en début de mandat. La réhabilitation de la maison de Moriond va s’étaler sur trois ans. Les travaux portent sur l’accessibilité, l’aménagement de trois commerces au rez-de-chaussée, la création d’un ascenseur d’une capacité de 30 personnes pour accéder au front de neige, la modification de la chaufferie pour qu’elle puisse être alimentée en granulés de bois, l’agencement de locaux pour le personnel communal et l’amélioration des circulations ; une réorganisation de la sortie en front de neige, l’aménagement d’un espace enfant, d’une crèche et du bureau d’accueil de l’office du tourisme au 3e étage. Ce projet de 7,8 millions d’euros englobera aussi le remplacement des menuiseries. Nous sommes également en discussion avec le conseil départemental de la Savoie pour échanger un terrain, au cœur de la station de Courchevel 1850 afin de construire un centre médical à la hauteur de nos besoins. Nous voulons par ailleurs rénover des bâtiments communaux datant des années 1980 et qui sont de véritables passoires thermiques. Nous allons encore déconstruire pour le reconstruire le centre Sainte-Marie à Courchevel 1600 qui accueille des scolaires pour des classes vertes et classes de neige. Par ailleurs, nous avons décidé de reprendre directement la gestion de notre centre aquatique. Nous aurons ainsi une complète maîtrise des conditions d’exploitation, en termes de tarifs, horaires et jours d’ouverture. Nous avons engagé la rédaction du livre blanc Courchevel 2046, visant à coconstruire un projet de territoire durable.

De quoi s’agit-il ?
Lors du 75e anniversaire de la station, fêté en 2021, nous avons lancé un projet collectif en vue des 100 ans de la station en 2046. La concertation a été engagée au travers d’une enquête associant habitants, élus, socioprofessionnels et associations afin d’identifier tous les aspects possibles du développement d’un tourisme durable à l’échelle communale. Nous devons continuer à parcourir le monde pour promouvoir la station et attirer sans cesse de nouveaux clients tout en nous adaptant au réchauffement climatique. Les quatre mois de la saison d’hiver sont insuffisants pour que les habitants puissent vivre à l’année. Nous essayons de développer l’activité durant la saison estivale autour de projets comme Via 3 Vallées. Aménagé à l’automne 2018, cet itinéraire cyclable d’altitude reliant les fermes de Pralong au col de la Loze à 2 304 mètres d’altitude de 5,8 kilomètres avec un dénivelé de 377 mètres en constitue la première étape. Ce concept de pratique exclusive entre Tarentaise et Maurienne, avec des paysages à couper le souffle a beaucoup de sens. Les résultats escomptés ne sont pas encore au rendez-vous, mais nous accueillons de plus en plus de cyclistes ravis de pouvoir passer d’un col à l’autre. On s’aperçoit que le tourisme reste une locomotive pour la commune qui a la chance d’être située en altitude, avec une exposition nord favorisant l’enneigement. Nous associons au maximum les jeunes aux réflexions visant à préserver notre site et développer les activités le plus responsables possible.

Comment voyez-vous l’avenir ?
Je suis confiant mais il faut rester prudent sur les investissements, poursuivre l’embellissement de la commune afin de continuer à attirer du monde. Pour la première fois de l’histoire, les Mondiaux de ski alpin sont non seulement restés dans le budget mais se sont soldés sur un bilan bénéficiaire qui va profiter à la formation des jeunes. C’est formidable. La coorganisation avec Méribel qui constituait aussi une première a bien fonctionné, sans compter l’engouement de tous les jeunes qui ont pu assister aux épreuves grâce à un calendrier des vacances scolaires dont nous avons obtenu la modification. Les investissements qu’ils ont nécessités, comme la piste de l’Éclipse considérée parmi les plus belles au monde, sont évidemment destinés à accueillir d’autres événements. Et puis nous avons un réel savoir-faire acquis depuis près de 15 ans dans l’organisation des coupes de monde : nous avons le premier club des sports de France, énormément de bénévoles prêts à jouer le jeu. Ces atouts nous conduisent, dès la clôture d’une grande compétition, à penser à la suivante, comme les Jeux olympiques. Courchevel dispose des équipements nécessaires et est prête pour cette candidature.